dimanche 8 juin 2025

Premières lignes...

Luttant contre son appréhension du vide, Manfred avançait prudemment sur la toiture brûlante du temple. Le jeune homme n’était vêtu que de simples braies et d’une tunique en lin serrée à la taille par une ceinture de cuir à laquelle était pendu un petit couteau dans son étui. Ses longs cheveux bruns attachés par un simple ruban de tissu descendaient dans sa nuque. Il portait sur son dos un vieux sac en toile dont les bretelles, faites d’une simple ficelle, lui sciaient les épaules.

Sous ses pas, les tuiles chancelantes menaçaient à tout moment de se dérober et de l'entraîner dans une chute mortelle. Ses vieilles chaussures de cuir ne lui offraient que peu d’adhérence sur cette surface en dévers. La chaleur réverbérée par la toiture lui était difficilement supportable. Il transpirait autant à cause de la chaleur que de sa peur du vide.



Une vingtaine de mètres plus bas, la fête battait son plein dans les rues de Gladheim. En ce jour de solstice, on célébrait la vie, la fertilité et les récoltes à venir. Paysans, éleveurs et artisans de toutes les vallées environnantes se réunissaient tous les ans à cette période pour une semaine de festivités. Ils bravaient les chemins escarpés et franchissaient des cols parfois encore enneigés pour venir assister au festival.

Des échoppes fleurissaient dans toutes les rues de la ville où chacun venait proposer à la vente ses produits ou exposer son savoir-faire. Les nains, descendus en nombre de la cité-mine, étalaient les talents légendaires de leurs forgerons et de leurs brasseurs. Armes et pièces d’armure de bronze, de fer ou d’acier côtoyaient les tonneaux de leur célèbre bière des cavernes.

Aujourd’hui, point culminant des célébrations, se déroulait le défilé. Au rythme de la musique des troubadours, les jongleurs, les cracheurs de feu, les danseurs de drapeaux et autres saltimbanques déambulaient dans les rues sous les acclamations de la foule. Le cortège devait arpenter la ville durant toute l’après-midi pour terminer devant les portes de la ville où un immense bûcher serait embrasé. Le parcours était bien défini par les autorités religieuses tutélaires, selon les anciennes traditions.



Détournant son regard de ce spectacle, Manfred se concentra sur son objectif et poursuivit sa délicate progression. Arrivé à l’extrémité du pan de toiture, il surplombait maintenant une cour intérieure déserte. Comme on le lui avait indiqué, tous les prêtres et serviteurs du temple étaient en ce moment rassemblés à l’extérieur sur les marches du parvis pour offrir leur bénédiction aux festivaliers.

Il sortit alors une longue corde en chanvre de son sac et l’arrima comme il put autour d’une des gargouilles ornant le pignon intérieur. Il entreprit alors de se laisser glisser jusqu’au sol. Ses pieds cisaillant la corde pour que son poids repose sur ses jambes, ses mains n’enserraient la corde que pour l’équilibrer le long de la descente. Mais, peu rompu à cet exercice, ses prises étaient mal assurées. À quelques mètres du sol, ses pieds perdirent le contact avec la corde. Ses mains, moites par la transpiration, ne purent le retenir longtemps et il finit par glisser. La douleur de la brûlure dans ses paumes de mains le fit immédiatement lâcher la corde. S’écrasant lourdement au sol, il lui fallut quelques temps avant de reprendre ses esprits et de retrouver son souffle. Il ne s’était miraculeusement rien cassé mais son dos était maintenant douloureux.

Titubant, il se réfugia rapidement dans un coin d’ombre pour prendre le temps d’observer un instant. Il regarda ses mains qui lui faisaient horriblement mal. Des morceaux de peaux avaient été arrachés. Il comprit immédiatement qu’il ne serait pas capable de remonter par la corde. 

Autour de lui, tout était redevenu calme, hormis les clameurs lointaines de la rue. Il étudia la petite cour intérieure au centre de laquelle se trouvait une statue de bronze. Celle-ci représentait un forgeron frappant son enclume. Dans sa main levée, un magnifique marteau était prêt à s’abattre sur la lame de l’épée qu’il façonnait. Détail inhabituel, une couronne ornait la tête de l’artisan. Conformément aux instructions reçues, Manfred repéra les quatre pierres précieuses qui ornaient la couronne ainsi que son marteau qui était amovible. Il s’approcha à pas feutrés, sortit son couteau et entreprit de dessertir la première pierre, une magnifique émeraude. Ses mains le faisaient souffrir et il lui était très difficile de manier sa lame.



Soudain le monde se mit à tourner autour de lui. Ses tympans se mirent à siffler. Abasourdi, il se retrouva projeté au sol. Le côté droit de son visage était totalement engourdi. Quelque chose venait de le heurter avec une violence extrême. Il sentit ses forces l’abandonner. Il sentit sa tunique s’imbiber du sang qui coulait abondamment le long de son cou. Une poigne ferme le saisit par les cheveux. Il fût ainsi traîné au sol tandis que ses sensations s’évanouissaient peu à peu. Il perdit connaissance…


dimanche 18 mai 2025

Sondage : jeux de rôle et sujets sensibles

    (Résumé en quelques mots à la fin de l'article)

    Pour continuer dans la série des questions posées à la communauté rôlistique, je me suis intéressé aux "sujets sensibles". En effet, j'ai découvert cette pratique qui semble répandue consistant à utiliser des cartes que les joueurs peuvent sortir pour indiquer que le sujet abordé ne leur convient pas et qu'il les met mal à l'aise. Sortes de joker utilisés pour que la partie reste une zone de confort pour tout le monde.

    Cette pratique n'existait pas lorsque que j'ai commencé le jeu de rôle. J'ai donc voulu en apprendre un peu plus et surtout savoir quels pourraient être les sujets qui rebutent le plus les joueurs.

 I- La question

    La question posée était la suivante : "Trigger-warnings, quels sont les vôtres ?" 

    Avant de présenter les résultats, je voudrait revenir sur ce terme de "trigger-warning" qui était en fait assez mal choisi. En effet, un trigger-warning est, comme la traduction l'indique, un signal d'alarme. Il désigne donc un avertissement sur un contenu à venir qui est susceptible de heurter la sensibilité de certains. Le terme de "sujet sensible" aurait donc été plus approprié et c'est pourquoi je l'utilise dans cet article. Au passage, toute autre proposition sémantique sera la bienvenue.

    L'objectif initial de ce sondage était bien de recenser les sujets sensibles les plus communs dans la communauté. Nous verrons, que le débat a rapidement dévié.

    Le sondage était posé sans proposer de réponse pré-définie afin que chacun puisse indiquer librement quel thème est sensible pour lui. Les réponses ne reflètent donc nullement mes opinions personnelles.

II- Les résultats

     Au moment d'écrire ces lignes, le sondage a recueilli 541 réponses parmi lesquelles 355 (~66%) répondaient effectivement à la question. Un tiers des réponses donc étaient soit hors sujet soit avaient pour but d'exprimer son opposition à cette notion de sujet sensible.

    J'ai donc choisi de regrouper les réponses en 5 catégories :

  • Aucun : ceux qui déclarent n'avoir aucun sujet sensible ;
  • Opposé à ce type d'idée : ceux qui ont exprimé une opposition au concept de sujet sensible et à certaines approches du jeu de rôle ;
  • Contraires aux valeurs morales communes : il s'agit des thèmes contraire à ce que l'on peut communément admettre comme faisant partie des valeurs morales partagées (viol, pédophilie, torture, maltraitance animale...) ;
  • Thèmes particuliers : il s'agit des réponses données exprimant un sujet sensible particulier (phobies, politique...) ;
  •  Réponses humoristiques et hors sujet : pour toutes les réponses qui ne répondent pas à la question.

    Voici donc les résultats en nombre de voix et en pourcentage :

RéponseVoixRéponses (en%)
Aucun17231,79 %
Opposé à ce type d’idées16129,76 %
Contraires aux valeurs morales communes15528,65 %
Thèmes particuliers285,18 %
Réponses humoristiques, hors sujet254,62 %
Total541100,00 %

Et sous forme de graphique : 


    On distingue très rapidement que les 3 premières catégories représentent la majorité des opinions dans une proportion d'environ 1/3 des voix chacune.

    Si on ajoute les thèmes sensibles particuliers à ceux contraires aux valeurs morales, c'est même cette catégorie qui prend la première place avec 183 votes. On peut donc constater que cette pratique est loin d'être marginale dans le jeu de rôle de nos jours.

     En lisant les réponses, j'ai vu apparaître les notions de "lignes et voiles" utilisées dans ce contexte. Je n'ai aucune idée de ce dont il peut s'agir et je serais très reconnaissant à qui pourra éclairer mes lumières sur le sujet...

III Un débat clivant

     Au-delà des réponses au sondage, ce sont les réactions des participants qui ont été le plus significatives :

- ceux qui déclarent ne pas avoir de sujet sensible ou ne pas les utiliser en je semblent être généralement les joueurs les plus anciens. Ceci s'explique probablement par le fait que le concept n'existait pas quand ils ont commencé à jouer. Néanmoins, ils ne voient généralement pas d'objection à ce que certains joueurs expriment un malaise vis-à-vis de certains sujets et ne sont pas contre l'idée d'adapter leur façon de jouer ponctuellement.

- ceux pour qui il s'agit d'une notion qui reflète une évolution de la société qui ne leur convient pas et la rejettent en bloc.

- enfin, il y a ceux qui ont mentionné les sujets qui leur posent problème. On constate que généralement il s'agit de sujets communément admis comme étant contraire aux valeurs morales communes.

 

IV Mon avis

    Pour une fois, je donnerai mon avis sur cette question.

    Pour ma part, je n'utilise pas d'alerte sur les sujets sensibles et je ne pose pas la question avant de commencer mes parties. Comme je l'ai déjà dit, cela n'était pas dans les mœurs lorsque j'ai découvert le jeu de rôle et ne m'est donc jamais venu à l'idée. De toute façon, je ne m'interdit jamais d'aborder des sujets difficiles voir très difficiles dans mes parties. En effet, le jeu de rôle relève, par définition, de l'imaginaire. Il est donc, à mon sens, tout à fait adapté pour aller explorer les abîmes les plus sombres. Encore faut-il être capable de faire la séparation entre le réel et l'imaginaire car "si tu plonges longtemps ton regard dans l'abîme, l'abîme te regarde aussi". Je n'ai donc aucun problème avec aucun sujet tant que cela reste du domaine de l'imaginaire et surtout, qu'aucune apologie de comportements inacceptables ne soit faite

    Pour les MJ qui y seraient confrontés, je vous conseille la lecture du formidable guide du maître intitulé "code pénal". Voire, pour les plus avancés "code de procédure pénale"... 

    Pourtant, je ne verrais aucune objection à ce qu'un joueur vienne me dire qu'un sujet le mette mal à l'aise. Et, même si je préfèrerais qu'il fasse agir sont personnage en conséquence, s'il souhaite se mettre en retrait temporairement ce n'est pas un problème. Je tâcherais entre temps de réorienter mon scénario pour ne pas l'exclure.

    Je pense également que le fait de toujours jouer avec le même cercle d'amis restreint permet de se passer des alertes sur les sujets sensibles : tout le monde se connait et, instinctivement, on sait jusqu'où on peut aller.

    Mais, pour un MJ qui ferait jouer des personnes qu'il ne connaît pas comme cela peut être le cas en convention ou en ligne sur une table virtuelle, ces questions peuvent prendre tout leur sens. On ne sait pas qui est en face de nous ni ce que la personne a vécu dans sa vie réelle. Selon l'objectif recherché, il peut être utile de recueillir les sujets sensibles des joueurs ou de les prévenir au préalable si l'on souhaite que l'expérience reste confortable pour tout le monde.

    En conclusion, même si je ne projette pas de modifier ma façon de maîtriser à l'avenir, je ne m'interdis pas d'aborder dorénavant la question avant la partie lorsque je jouerai avec des personnes que je connais moins bien.

En quelques mots : 

  • Trigger-warning n'était pas le bon terme, "sujets sensibles" et plus approprié ;
  • Sujet très clivant ;
  • Trois grandes lignes se distinguent :
    • ceux qui ne les utilisent pas mais qui n'y voient ou verraient aucun inconvénient ;
    • ceux qui les utilisent (majoritairement pour écarter les sujets contraire à la morale commune) ;
    • ceux qui sont contre le principe et les idées qu'ils y associent.

mardi 25 février 2025

Sondage : MJ ou PJ ? Qui fréquente le plus les groupes sur les réseaux sociaux ?

 C'est en discutant avec un éditeur de Jeux de Rôles que m'est venue l'idée de ce nouveau sondage. Et comme ça faisait longtemps que je n'en pas avait publié un, c'était l'occasion. 

Il s'agit du quatrième sondage qui donne lieu à un article sur ce Blog. Après les réseaux sociaux, la monétisation du contenu et les différents types de jeux de rôle, j'ai voulu savoir si les membres des groupes consacrés au Jeux de Rôles étaient plutôt des joueurs ou des maîtres de jeu. J'ai ainsi posé la question en ne proposant que trois réponses sans qu'il soit possible d'ajouter des options.

Êtes-vous plutôt joueur, MJ ou les deux à parts égales ?

1. Remerciements

Avant de donner les résultats et de proposer quelques explications, je tiens à remercier tous ceux qui ont répondu. Vous avez été très nombreux et c'était la première surprise de ce sondage. Je remercie également les groupes qui ont le plus apportés de retours et de commentaires :

- Jeu de Rôle Passion ;

- Discussions de Rôliste ;

- et le Club de Jeux de rôles Rives-Nord (salutations au passage à nos camarades Canadiens !) ;

Cela fait vraiment plaisir de voir des communautés qui prennent le temps de répondre et de réagir. Les échanges sont toujours enrichissants !

 2. Résultats

 Penchons-nous maintenant sur les résultats.

À l'heure d'écrire ces lignes, le sondage a recueilli 449 votes. Me concernant, c'est un record et je vous en remercie à nouveau. En voici la répartition :

  • MJ : 234 voix ;
  • Les deux : 141 voix
  • PJ : 74 voix

Il est clair que la très grande majorité des votants sont MJ ou MJ et PJ. Les PJs ne recueillent que 16,5% des voix.

C'est un peu ce que je constate à mon niveau. Étant MJ quasi exclusivement, aucun de mes joueurs (du moins à ma connaissance) ne fréquente assidument les réseaux sociaux et encore moins les groupes consacrés au JdR.

Aux vues des commentaires, cela a pourtant surpris certains des votants. Mais nous allons voir que ce n'est finalement pas très étonnant.

3. Proposition d'explication

Les groupes consacrés au JdR sur les réseaux sociaux sont d'excellents lieux de partage et de discussion sur le JdR. En rédigeant cet article, j'en ai parcouru quelques uns pour recenser les différents types de publication que l'on peut y trouver :

- des critiques des dernières sorties officielles (et "unboxing") ou des annonces de celles à venir ;

- des vidéos de réflexion sur la pratique du JdR, des tutoriels ou des actual play ;

- des artistes ou des auteurs qui diffusent leurs créations en tout genre ;

- des annonces pour des évènements organisés en réel.

 À part les annonces d'évènements organisés, il s'agit essentiellement de productions permettant de découvrir des jeux, d'en approfondir l'univers ou d'échanger sur la façon de jouer. En résumé, des ressources pour améliorer l'expérience du jeu autour de la table.

Or, ce sont généralement les MJ qui, entre les parties, vont avoir besoin d'effectuer des recherches pour préparer la partie suivante. Plus impliqués dans l'univers de leur jeu, ils vont tout naturellement chercher à obtenir d'avantage d'informations, de détails ou d'idée pour étoffer la suite de leurs campagnes.

 Il est donc plutôt logique que ce soient les MJ qui recherchent ce genre de contenu ou qui souhaitent s'exprimer à ce propos.

Ce n'est bien sûr pas une généralité mais les joueurs ont, peut-être, une approche plus passive du jeu dans le sens où, une fois leur personnage créé et plus ou moins développé, ils se reposent sur le MJ pour la suite de leurs aventures. Et, en toute logique, c'est également vers lui qu'ils se retournent lorsqu'ils ont besoin de plus d'informations sur les règles comme sur le monde.

Maintenant que le constat est posé, il serait intéressant de trouver ce qui pourrait amener les joueurs (PJ) vers nos groupes. Nous pourrions par exemple cibler un peu mieux leurs attentes.

Voici donc ce que l'on pouvait dire sur ce sondage et ses résultats. Si vous voyez d'autres explications à apporter ou, au contraire, si vous ne partagez pas cet avis, les commentaires vous sont grand ouverts !

N'hésitez pas non plus à venir proposer des solutions pour attirer nos joueurs...
 

 

 

 

 

mercredi 12 février 2025

AD&D 2e edition - Reprise

Après en avoir tant vanté les mérites, après avoir complété ma collection, mais surtout après tant d'année d'interruption, me revoilà enfin derrière l'écran de Advanced Dungeons and Dragons 2nd edition !!!


Et cette partie a d'autant plus de valeur qu'elke s'est déroulée avec la relève, la prochaine génération de rôlistes.

Pour cette reprise pour moi et initiation pour elles, j'ai trouvé le pdf d'un vieux scénario d'une boîte de découverte : Escape from Zanzer's Dungeon.
Je ne connaissais pas ce module sorti en 1991 mais à la première lecture j'ai vu qu'il ferait bien l'affaire. 
Bien que très classique dans son approche de l'initiation, il permet d'appréhender les règles de façon progressive. En effet, les personnages commencent prisonniers et démunis de tous leurs biens. Ils devront se libérer et récupérer progressivement leur équipement. Bien que sans grande originalité, cette approche convient très bien aux néophytes.

Je m'aperçois rapidement que ce scénario ressemble plus à une partie de Heroquest (si vous avez fouillé ce blog, vous n'aurez certainement pas manqué de noter que tout est parti de là) qu'au jeu de rôle de mon souvenir. Ce qui est en réalité très bien pour des joueurs qui ne connaissent finalement pas les règles.

Autre constat, il va y avoir du travail pour se réapproprier les règles...